« Le grand retour à la normale »

par Nicolas Descoqs sur allnews.ch. Après trois années marquées par une pandémie mondiale et l’irruption de la guerre en Europe, 2023 pourrait être, contre tout pronostic, l’année du rétablissement.

La grande crise financière de 2008 et la crise des dettes souveraines européennes de 2011 avaient été suivies d’une longue période de croissance et d’inflation régulières et modérées. La grande peur des gouvernements et des banquiers centraux était alors de voir nos économies trop lestes replonger irrémédiablement dans une spirale déflationniste. Peu entrevoyaient la possibilité même d’un retour possible de l’inflation. Et peu à peu, nous nous sommes tous habitués à ces anomalies financières que sont les taux négatifs et les rachats de dettes de toute sortes par les banques centrales.

Cette période trop calme s’est brusquement terminée, comme nous le savons tous, il y a bientôt trois ans avec l’arrivée de la pandémie de COVID-19 et l’arrêt net, physique, de l’économie pendant plusieurs semaines. La réaction de la puissance publique paniquée se manifesta dans des plans de soutien fiscaux et monétaires d’une ampleur encore inégalée. Les citoyens américains n’ont-ils pas reçu par la poste des chèques signés directement de la main de Donald Trump ?

Même la Chine sortira tôt ou tard de sa politique de confinements à tout va.

Et il n’en fallait apparemment pas beaucoup plus pour redonner confiance au consommateur qui, assigné à résidence par les multiples confinements et le «work-from-home», sortit lui aussi son carnet de chèque pour acheter ce qu’il pouvait, c’est-à-dire des produits manufacturés divers (électronique, habillement, bricolage,…). La consommation de biens explosa, contrairement à celles des services (tourisme, hôtellerie, restauration,…) qui demeura atone jusqu’à fin 2021.

Cependant, cet afflux de demande matérielle se heurta bien vite à l’absence de capacité de l’appareil de production mondiale à fournir de telles quantités. Les chaînes d’approvisionnements sont faites pour fonctionner bien en régime de croisière, pas pour un «stop-and-go» de cette ampleur et encore moins quand les confinements à répétition bloquaient certaines infrastructures critiques comme les ports chinois.

De toute cette tornade, il résulta un retour de l’inflation, timide d’abord puis bientôt furieux, culminant à près de 10 % dans de nombreux pays. Le déclenchement surprise de l’invasion Russe en l’Ukraine ne fit qu’accroître cette dynamique en précipitant une crise énergétique en Europe qui ne put être jugulée que par un rationnement de fait de la consommation.

Nous sous-estimons peut-être collectivement la capacité de résistance du système économique.

On aurait tort de s’étonner donc de la déprime des investisseurs. L’avenir est-il cependant vraiment si sombre ? Le pire, auquel nous avons maintenant été habitué, est-il si certain ? Il est en effet probable que les effets de la pandémie soient bel et bien derrière nous. Même la Chine sortira tôt ou tard de sa politique de confinements à tout va. La guerre en Ukraine, quant à elle, semble bel et bien embourbée. Au pire, elle continuera avec une intensité décroissante due au manque de munitions de part et d’autre. Au mieux, une négociation aboutira à un cessez-le-feu. L’inflation commence aussi à montrer quelques signes d’essoufflement.

Ainsi, nous sous-estimons peut-être collectivement la capacité de résistance du système économique. Comment donc se positionner pour le cas où le ciel s’éclaircirait soudainement?

La première bénéficiaire d’un scénario positif serait à l’évidence l’Europe. Première touchée et fortement dépendante du commerce mondial, elle sera la première à relever la tête. Les actions européennes, actuellement fortement décotées, pourraient ainsi poursuivre leur rebond. Certains secteurs comme la banque et l’automobile offrent des potentiels de revalorisation hors du commun. Les cycliques industrielles devraient elles aussi repartir de l’avant à la faveur de la normalisation de la demande et des cadences de production.

A l’inverse, le marché américain devrait être, selon toute probabilité, le laissé pour compte de l’embellie. La prévalence des sociétés de technologie, dont les modèles d’affaire montrent pour certains des signes évidents d’essoufflement alors même qu’ils avaient été les grands bénéficiaires de la pandémie, va peser sur les indices phares de la côte, dont et surtout le fameux Nasdaq.

Ainsi donc, malgré le pessimisme ambiant, nous ne sommes pas à l’abri de l’inattendu : le retour des bonnes nouvelles. Les investisseurs intelligents savent qu’il faudrait alors, une fois n’est pas coutume, se tourner vers notre bonne vieille Europe !